Le plein emploi : c’est l’ambition, la feuille de route présidentielle. Emmanuel Macron lors de sa conférence de presse du 25 avril a confirmé l’objectif. En effet, depuis deux ans déjà on assiste à une baisse lente mais réelle du nombre de demandeurs d’emploi en métropole. Travailler, être justement rémunéré, est l’un des piliers qui ouvre sur l’accomplissement d’une vie. Nous savons trop bien dans les territoires ultramarins ravagés par l’inactivité les conséquences terribles pour chacune des femmes, pour chacun des hommes qui subissent cette mise au ban de la société. L’archipel de France est la sixième puissance économique du monde et la cinquième puissance militaire du monde. La France est l’un des cinq membres permanents avec droit de veto au conseil de sécurité des Nations Unies.
Mais la France est-elle une Nation ? Que veut dire cohésion nationale quand un ultra marin sur quatre est relégué en marge de la société ? Un ultra marin sur quatre est sans travail.Terreau de l’insécurité, du mal logement, des violences intrafamiliales, en un mot de l’inégalité, le chômage est un cancer sociétal, une gangrène sociale. Coluche disait : « Les hommes naissent libres et égaux mais certains sont plus égaux que d’autres. » Pour que l’état soit une Nation la condition cardinale c’est l’égalité.
Au lendemain de la victoire d’Emmanuel Macron que j’ai accompagné et représenté durant la campagne présidentielle dans les territoires de la France océanique - et je suis très fier de m’être engagé à ses côtés - j’ai créé R&DOM, République et Développement Outre-Mer, faisant obligation à l’association de s’attaquer au chômage de masse en Guyane, Martinique, Guadeloupe, Saint Martin, Mayotte, La Réunion et la Polynésie Française. Bien sûr, la vigilance est aussi de mise à Saint-Barthélemy, la Nouvelle-Calédonie, Saint-Pierre-et- Miquelon et Wallis et Futuna.
Levons les tabous. Y a-t-il oui ou non « à manger pour tout le monde » dans les territoires d’outre-mer ? La réponse à cette question confirmera ou tuera - enfin - le dogme politique etadministratif selon lequel la solution unique au chômage est l’endormissement par les subsides sociaux. Souvent lors de mes séjours chez mes amis ultramarins j’entends cette phrase : « La France ne veut pas que l’on se développe, la France n’a pas intérêt à ce que l’on se développe. » Elle a résonné trop souvent dans ma cervelle de métropolitain comme une phrase de comptoir, économie de comptoir ...
N’y a-t-il vraiment rien à développer de solide en Guyane, forte de ses 86 000 kilomètres carrés, riche de la forêt amazonienne, de l’or, d'hydrocarbures, de potentiel touristique, de biodiversité... La Martinique et la Guadeloupe, dans leurs différences, dans leurs complémentarités, offertes au tourisme, au développement de leurs ports marchands, de leurs biodiversités, de leurs hauts niveaux de technologies, de leurs ressources halieutiques sont-elles si peu attractives au point d’être abandonnées par leurs jeunes, au prix d’un solde démographique négatif, au prix d’un vieillissement dramatique de leurs populations ?
Saint Martin, la friendly island dont le chômage ne remonte pas à Irma, n’a-t-elle donc pas dans son coffre des trésors d’économie touristique à déverser au profit de ses habitants ?
La Réunion, au dynamisme économique solide, porte d’entrée sur l’Inde, l’Afrique de l’Est, et d’une manière plus opportuniste sur l’axe indopacifique, ne peut-elle pas absorber son chômage et notamment celui de ses jeunes ?
La Polynésie Française riche de 118 îles, grande comme l’Europe, apportant à elle seule la moitié des 11 Millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive, ne disposerait donc pas des ressources nécessaires pour rendre heureux ses 280 000 habitants ?
En Nouvelle Calédonie, le problème est ailleurs, c’est la répartition du travail entre population kanak et caldoche qui pose problème.
Et puis il y a Mayotte, magnifique petite île de 40 kilomètres par 10 sur laquelle vivent déjà 270 000 personnes et qui devrait en accueillir un demi-million d’ici un peu plus de 20 ans.
Sans tabou, disais-je : Mayotte n’aura pas la capacité d’apporter du bonheur à un demi-million de personnes. Et sauf découverte exceptionnelle, n’en aura pas les ressources. Alors oui, il faut intensifier encore plus – l’excellent travail déjà entrepris par le préfet Sorin : la lutte contre l’immigration clandestine. Oui, il faut aider les familles en ouvrant des espaces à des associations comme le planning familial, à des structures de soutien scolaire...
Et Oui, il faut participer au développement des Comores. Plus de 40% de la population Mahoraise est étrangère, c’est-à-dire, Comorienne. Il est vital comme l’avait dit le futur Président Macron à Dzaoudzi de développer les Comores. Opposer le développement des Comores à celui de Mayotte est une œuvre de basse politique : il n’a jamais été question que l’un se fasse au détriment de l’autre. Avec le FED (fond européen de développement), les Comores disposent d’une enveloppe conséquente qui ne retire pas le moindre euro à l’effort national et européen de soutien de nos concitoyens Mahorais. Oui, l’argent français doit aller à Mayotte, mais à travers le monde, la solidarité internationale doit aussi fonctionner pour aider au développement des pays les plus pauvres de la planète, ce qui est exactement le cas des Comores. J’enfonce le clou : le développement des Comores est indispensable à la stabilisation de Mayotte mais il n'enlèvera strictement rien des ressources nationales et européennes au bénéfice de nos concitoyens Mahorais.
Il est urgent de faire un inventaire : l’inventaire ainsi fait de toutes les richesses disponibles, territoire par territoire, établira d’une part une valeur des richesses à exploiter et d’autre part, les grandes filières économiques à conforter, structurer ou créer. Cet inventaire économique doit être piloté par une task force drivée par les instances économiques régionales et appuyée par tous les sachants : universitaires, scientifiques, économistes, haute administration... il ne s’agit pas là d’une énième consultation populaire. C’est un travail d’économiste et devisionnaire. En alerte maximale sur ce sujet, la FEDOM est à l’origine de solides initiatives pour apporter les premières réponses. Mais ce travail fondamental incombe à l’état et plus particulièrement au Ministère des Outre-Mer.
Il faut chiffrer également un deuxième état, celui des besoins. Combien de personnes sans emploi faut-il former, afin de garantir l’employabilité pour chacun des territoires ? Quelle masse de valeur ajoutée faut-il que l’économie marchande fabrique en exploitant ses richesses pour atteindre le plein emploi exigé par le Président de la République ? Là encore, il faut créer unetaskforce avec Pôle emploi, les experts économiques, l’INSEE, etc...
Les grandes lignes de développement économique ne sont pas mystérieuses.
La pêche côtière, l’exploitation de la biodiversité, les ressources sous-marines, les énergies marines renouvelables, le développement industriel des ports à travers une vision modernedes smart ports, le tourisme, le numérique, l’énergie solaire... ne demandent qu’à être organisées, développées, accompagnées et confirmées.
Il est un dernier point qui me tient à cœur : le développement de l’agro-alimentaire. Sans l’introduction d’un nouveau circuit de distribution, il n’y aura pas de développement significatif du secteur agro-alimentaire. Il est un dogme encore auquel il faut tordre le cou. C’est celui qu’un produit fabriqué sur place est plus cher qu’un produit importé. La fabrication locale serait-elle donc responsable d’une « surcherté » de la vie ? Cela est faux. La culture locale, la pêche locale, la retransformation locale sont non seulement des sources considérables d’emplois mais elles sont aussi la marque de modernité et de responsabilité d’une région fière parce qu’autonome sur le plan économique.
C’est cela aussi, l’Etat-nation : offrir à chacun la fierté de sa capacité d’autosuffisance. Beaucoup d’initiatives ont échoué parce que les systèmes de distribution alternatifs, face à des puissances commerciales établies depuis des décennies, sont mal organisés. Loin de moi l’idée d’une mise en accusation des grands distributeurs alimentaires en Outre-Mer mais il leur faut un complément, un challenger. Il a pointé son nez en métropole depuis dix ans, c’est le modèle Amazon. On peut se poser à juste titre la question de l'éthique de cette société maisrien n’interdit d’en améliorer la performance sociale. Il est une autre entreprise nouvelle qui abouleversé la sociologie occidentale, c’est Uber, pour la logistique du dernier kilomètre. Là aussi, l’éthique est perfectible sur le plan social mais le mode opératoire est terriblement efficace.
Distribuer uniquement des produits locaux à très peu de sens dans la mesure où les habitudes de consommation de chacun d’entre nous passent souvent par un panier global. Au supermarché, le caddie comporte des poireaux, des couches, des pâtes, de la javel, etc...
L’alternative à la grande distribution en supermarché est la livraison à domicile de l’ensemble de la gamme, y compris les produits fabriqués localement. A travers des mécanismes fiscaux connus, on pourrait ainsi dissuader les produits importés concurrents des produits fabriqués localement. Ça n’est là qu’une piste mais elle me semble suffisamment prometteuse pour être étudiée avant de sombrer dans la polémique.
La résolution du chômage de masse dans les territoires français d’outre-mer est un fait économique. La résolution du chômage de masse dans les outre-mer met en première ligne nos entreprises et nos jeunes créateurs d’entreprises.
Enfin, je voudrais rappeler la réglementation souvent incompréhensible et ultra pénalisante qui sévit dans nos territoires. Je ne me perdrai pas en exemples ; j’emprunterai simplement la formule de Georges Pompidou en 1966 : « Arrêtez d’emmerder les Français :
il y a trop de lois, trop de textes, trop de règlements dans ce pays. On en crève ! Laissez-les vivre un peu et vous verrez que tout ira beaucoup mieux. »
Max DUBOIS
Tribune publiée par la FEDOM